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Aimer / Introduction générale au thème par : Wafae Abid – Bouchra Moujahid – CPGE – Mly Ismail.

     I-   Qu’est-ce qu’aimer ?

1-   Différents sens

Dans son sens étymologique, aimer provient de la racine latine amor désignant le phénomène d’attirance due à une préférence ou à une affinité (compatibilité des tempéraments). En Grèce antique, ce mot renvoie à quatre sentiments distincts : l’éros (amour romantique, physique et passionné pouvant avoir une dimension sexuelle car lié au plaisir des sens), la philia (amour amical basé sur l’égalité, l’estime et le respect), l’agapè (amour altruiste et empathique du prochain) et la storgê (amour maternel, parental ou filial). S’ajoute à ces sentiments deux autres catégories d’amour : ludus (l’amour joueur, donjuanesque, séducteur) et Mania (l’amour jaloux, anxieux, haineux). Ces six formes d’amour sont complémentaires.

Aimer est un verbe qui désigne un sentiment d’affection, d’attachement, d’affinité naturelle ou élective que l’on peut éprouver à l’égard d’un être ou d’un objet. Ce sentiment intense peut se manifester par une forte attirance pour quelqu’un ou quelque chose et par le désir d’une proximité physique ou même imaginaire avec l’être ou l’objet aimé. Aimer a aussi d’autres sens comme prendre plaisir à, trouver agréable, vouloir, et avoir envie de quelque chose.

Ce sentiment est à la base d’un lien qui peut être de nature affective, morale ou spirituelle. Le sentiment amoureux peut ainsi varier selon la nature de son objet : on peut aimer des membres de sa famille (amour familial ou filial), un être réel (son prochain) ou spirituel (Dieu par exemple), la communauté à laquelle on appartient (sentiment d’appartenance ou patriotisme), ou un animal (sentiment d’attachement). Aimer peut aussi se rapporter à un objet inanimé auquel on attache une valeur, il renvoie dans ce sens à l’idée de goût de valorisation ou de prédilection. On peut aimer quelque chose en quelqu’un, ce qui exprime une préférence dans le sens d’avoir ou de manifester un goût prononcé pour cette chose. Aimer peut également correspondre au sentiment d’amitié.

Aimer peut renvoyer à l’idée de passion, une passion de nature affective ou physique. Rattaché à la personne aimée, aimer exprime un lien physique, signifiant alors l’acte d’accomplissement de l’union sexuelle.

Aimer peut aussi être utilisé dans un emploi réflexif (s’aimer) qui correspond au sentiment d’amour de soi ou amour-propre. Il s’emploie même de façon passive : se faire ou se laisser aimer.

2-   Difficulté de définition

Il faut souligner que le verbe aimer regroupe dans son enceinte des sentiments variés, ce qui fait alors toute sa complexité. Ces sentiments varient également au niveau d’intensité : l’empathie, la tendresse, l’affection et la passion. Cette diversité d’aimer se traduit par diverses formes d’amour : amour passionnel, amour romantique, amour religieux, amour platonique, amour charnel, amour familial…etc.

Aimer est le ciment des rapports humains et de la vie sociale en général. C’est aussi un aspect prépondérant de la psychologie humaine et de son existence.

Aimer quelqu’un entraîne des changements profonds dans la personne, changements plus ou moins visibles qui peuvent toucher aussi bien à la dimension physiologique qu’à la dimension comportementale.

Être en présence de l’être ou de l’objet aimé produit un sentiment d’attirance exercé par la force attractive de l’objet de son amour. Cette présence donne aussi lieu à une sensation de plaisir et à un sentiment de joie et de satisfaction généralisé. Le pouvoir d’attraction de l’être ou l’objet aimé ne trouve pas toujours une explication logique ou rationnelle, ce qui participe au côté mystérieux du sentiment amoureux.

De même la charge significative dont est doté le verbe aimer varie selon les cultures et selon la conception que chaque communauté humaine a de l’amour.

Comment peut-on, dès lors, définir un mot aux emplois aussi variés et aux significations aussi diverses, tout en sachant que la façon d’aimer varie d’une personne à l’autre et qu’il n’existe pas de définition unie et universelle à cette réalité plurielle et équivoque ?

3-   Définition par négation

Si l’on rencontre autant de difficultés en voulant définir le verbe aimer, faut-il, peut-être, tenter de le définir par ce qu’il n’est pas ?

Si aimer renvoie à un sentiment positif, son opposé serait haïr (sentiment négatif) ou être indifférent, l’indifférence étant l’absence de tout sentiment positif ou négatif soit-il. De même, on pourrait expliciter le sens du mot aimer en le distinguant d’autres sentiments voisins tels que l’amitié (dont il se démarque par le degré d’intensité et la nature d’attachement) ou le désir sexuel (étant plus spirituel que charnel). Doté d’une puissance érotique, aimer conduit alors à un amour passionnel.

4-   Un changement comportemental

Aimer appelle généralement un amour en retour. La réciprocité est l’une des conditions essentielles de toute relation amoureuse. La personne amoureuse adopte, dès lors, un comportement visant à séduire l’autre et à lui exprimer son amour. Aimer se traduit par des attentions, des paroles, des gestes et des actions (caresses, baisers, rapports sexuels) dont le but est d’entretenir et de fortifier la relation amoureuse. Aimer peut s’exprimer de différentes manières qui varient selon les cultures, les contextes et les personnes.

II-  Aimer est-ce un objet d’étude ?

La conception de l’amour change d’une époque à l’autre selon le changement des valeurs et des représentations de chaque société. Aimer regroupe des réalités tellement variées qu’il y a différentes sciences qui s’intéressent à son étude : la sociologie, la psychologie, la biologie, l’Histoire, l’ethnographie, l’anthropologie, les neurosciences, la philosophie et autres. Les arts et la littérature ont fait de l’amour une source intarissable d’inspiration.

1- Qu’en dit la philosophie ?

Malgré ce côté complexe et insaisissable de l’amour, plusieurs philosophes ont tenté de le définir et d’en élucider le mystère.

D’un point de vue philosophique, aimer fait l’objet de réflexions multiples et variées qui diffère selon les contextes et les sens accordés au concept lui-même. Pour certains philosophes, aimer est assimilé à l’idée de fusion de deux êtres ou deux entités. Cette conception est partagée par Empédocle et Aristophane qui considèrent aimer comme le moyen de retrouver l’unité originelle des êtres.

Empédocle oppose l’amour considéré comme principe d’harmonie à la haine, principe de dysharmonie.

Socrate insiste sur la nature double de l’amour Eros, fils de Pénia, déesse de la pauvreté et du dénuement, et de Poros, dieu de la ressource et de la richesse. Selon lui, Aimer consiste à désirer ce qu’on n’a pas. Il affirme, dans Le Banquet, que : « ce qu’on n’a pas, ce qu’on n’est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l’amour ». Aimer serait alors une façon de combler un manque soit de façon effective par la possession ou fictive par l’imagination.

Aristote établit une distinction majeure entre éros et philia. Alors que l’eros est motivé par l’intérêt ou par la recherche du plaisir, la philia une forme d’amour désintéressé visant le bien de l’autre. Cette distinction permet d’opposer l’amour de soi à l’amour de l’autre, mais elle permet également de mettre l’accent sur la possibilité de les faire coexister à travers une vie commune et harmonieuse qui conduit à la joie de vivre.

Leibniz affirme que : « Aimer, c’est se réjouir du bonheur d’autrui, c’est faire du bonheur d’un autre le sien propre ». De notionibus juris et justiciae, 1693.

Dans son Éthique, Spinoza donne de l’amour la définition suivante : « L’amour n’est autre chose que la joie, accompagnée de l’idée d’une cause extérieure (…) Nous voyons également que celui qui aime s’efforce nécessairement de se rendre présent et de conserver la chose qu’il aime ».

Aimer est censé être une source de joie, mais dans le cas contraire cela signifie que la passion amoureuse est dévoyée.

Pour Kant, aimer est imposé, subi, il n’est pas l’objet d’un choix car ne dépendant ni de la volonté, ni du devoir, ni de la morale, ni de la raison. Il dit à ce sujet : « l’amour est une affaire de sensation, non de vouloir, et je ne peux aimer parce que je le veux, mais encore moins parce que je le dois ».

Selon MerleauPonty, le vrai amour convoque et mobilise toutes les ressources du sujet : le corps, l’intelligence, le conscient, l’inconscient et bien d’autres ressources, contrairement au faux amour qui ne concerne qu’un seul volet de la personnalité : l’érotisme, le spirituel, le passionnel, le raisonnable…etc.

Marcel Mauss conçoit l’amour comme transaction ou entreprise régulée par la logique du don et du contre-don.

Kierkegaard reprend l’idée d’illusion, aimer est, d’après lui, un acte de foi, une illusion consentie voire une auto-persuasion.

La Rochefoucauld souligne le caractère égoïste de l’amour en affirmant dans ses Maximes que : «nous ne pouvons rien aimer que par rapport à nous ».

Freud, lui, rapporte le sentiment amoureux à l’expérience de la petite enfance : aimer quelqu’un fait partie de la première expérience du moi.

Pour Milan Kundera, l’amour est une idée, une construction cérébrale associée à l’histoire de la littérature et des idées.

René Girard lie l’amour au milieu de l’individu et au contexte où celui-ci évolue. C’est un regard sur l’être aimé qui passe par le regard et les paroles des autres.

Cette idée qui associe l’amour au milieu, nous la retrouvons chez Pierre Bourdieu qui stipule que les relations amoureuses sont déterminées par les facteurs sociologiques et les valeurs économiques.

Selon Jean-Jacques Rousseau « l’amour n’est qu’illusion ; il se fait pour ainsi dire un autre univers, il s’entoure d’objets qui ne sont point ».

Pour Comte-Sponville, l’amour véritable n’est pas l’amour égoïste, mais celui qui nous fait aimer l’autre pour ce qu’il est : « Il s’agit d’apprendre à vivre, à jouir, à se réjouir, c’est-à-dire d’apprendre à aimer ».

-2 Qu’en dit la psychanalyse ?

Les rapports de l’enfant à ses parents ont un rôle décisif dans sa perception de l’amour et des relations amoureuses. L’équilibre ou le déséquilibre au niveau de ces rapports a infailliblement des répercussions sur la personne et sur sa conception de l’amour à l’âge adulte. L’idée de l’amour se fait en fonction de la tension entre amour captatif de l’enfant et amour oblatif des parents.

-3 Aimer est-ce le signe d’un manque ?

Aimer est une manière de remédier à un manque. La personne voit dans l’objet aimé la promesse d’un amour ou d’un plaisir éventuels. Mais il faut souligner qu’aimer ou chercher à être aimé est un aveu inconscient de son incapacité d’autosatisfaction. Dès lors, on peut admettre qu’aimer est un

besoin égoïste puisque l’objet aimé n’est pas apprécié en soi, pour soi mais pour sa capacité de

combler le manque éprouvé par le moi. Comment parler d’amour altruiste ou désintéressé si aimer se

fait toujours dans l’espoir d’être aimé en retour ? En effet, l’intensité du sentiment amoureux

s’affaiblit ou cesse quand l’autre n’est pas ou n’est plus en mesure de répondre aux attentes et aux désirs du moi.

-4 Aimer est-ce quantifiable ?

Dans le domaine de la psychologie, Isaac « Zick » Rubin a été le premier à fonder une théorie de l’amour et à effectuer des recherches empiriques et psychométriques sur ce sentiment qu’il envisage de mesurer. Aimer est selon lui « une attitude qui prédispose l’individu à penser, ressentir et agir d’une façon particulière envers un objet d’amour ».

Robert Sternberg affirme que toute relation amoureuse donnée peut être analysée suivant sept catégories majeures pouvant se combiner selon les manières suivantes. Ces combinaisons définissent la nature et l’intensité de l’amour ressenti.

La passion : attraction physique et désir sexuel.

L’intimité : proximité et confiance mutuelle.

L’engagement : intention de co struire et de maintenir la relation amoureuse.

Amour-Toquade : passion sans engagement (amour sans lendemain).

La taxinomie de l’amour a aussi été faite par le sociologue John Alan Lee dans son ouvrage Les couleurs de l’amour en 1970. Il stipule qu’il y a plusieurs types d’amour comme pour les couleurs, et qu’il y a trois types d’affections primaires (respect, compagnie et passion) qui, en se mélangeant, donnent lieu à trois autres.

D’autres chercheurs et psychologues ont élaboré des échelles de mesure du sentiment amoureux tels que Elaine Hatfield et Susan Sprecher, psychologue et sociologue américaines, qui ont mis en place un test qui mesurerait l’intensité de l’amour qu’une personne ressent envers l’autre : la (PLS) Passionate Love Scale en 1986, et Clyde Hendrick & Susan Hendrick avec la Love Attitudes Scale.

5- Aimer est-ce biologique ?

Comment naît le sentiment amoureux ? Aimer dépend t-il du corps ou du cœur ? Est-ce la dimension biologique ou la dimension affective de l’homme qui est à la manœuvre ?

Le neurobiologiste Jean-Pol Tassin explique qu’aimer et son apprentissage naissent dans la famille et plus précisément dans le lien maternel. Il affirme à ce sujet que : « Dès la naissance, un rapport à la mère fondé sur la recherche de plaisirs sensoriels se crée, explique-t-il. Avec ce premier rapport hédoniste, l’enfant au cours de son développement se bâtit ce que l’on peut appeler un « bassin attracteur » : il intègre petit à petit ses satisfactions premières et va passer sa vie à rechercher chez les autres des stimuli analogues. ».

Aimer serait, d’après ces propos, une tentative du corps de restituer et de revivre une expérience de plaisirs sensoriels précédente. Cette conception des choses appuie l’idée du caractère biologique d’aimer. Aimer est-il pour autant naturel et non culturel ?

La réponse à cette question est loin d’être évidente. Aimer donne certes lieu à un comportement sexuel qui varie selon les sociétés et les cultures humaines, mais les modes de séduction et les expressions d’amour demeurent en grande partie similaires.

III-   Bien ou mal aimer ?

1-   Aimer est-ce transgresser ?

Aimer n’est pas toujours simple surtout avec l’existence de nombreux interdits et tabous. La société, la loi, les coutumes et la réalité imposent parfois des restrictions, des conventions et des limitations qui ne permettent pas d’aimer librement. Ces interdits et ces restrictions ajoutent à l’attractivité de l’objet aimé. L’interdit devient alors de plus en plus désirable quand l’acte d’aimer devient transgression.

2-   Aimer est-ce dépendre ?

Parmi les sens auxquels renvoie le verbe aimer se trouve celui d’attachement. De même, aimer est un aveu inconscient de manque. Aimer, de façon excessive, peut conduire à un attachement maladif ou à une dépendance. Le désir accentué de s’approprier et de conserver l’objet ou l’être aimé peut mener à ces formes malsaines ou à ces distorsions de l’amour.

3-   Aimer librement

L’amour vrai est basé sur le respect de l’autre, de son essence humaine, de sa réalité s’être vivant et notamment de sa liberté. Aimer réellement est loin de l’idée d’attachement maladif ou de désir d’emprisonner l’autre ou de le réifier. Aimer librement c’est aimer sans attendre forcément quelque chose en retour, c’est un amour désintéressé. Aimer est un acte libre qui ne suit pas nécessairement la logique et qui n’obéît pas à la raison. Il cesse dès qu’il est trop régulé et dès qu’on cherche à l’orienter et à l’imposer.

Conclusion

On peut conclure de tout ce qui précède que l’amour n’a pas un sens unique et universel. Ses conceptions ont varié selon les changements des contextes et des époques. En outre, l’amour n’obéit pas forcément à la raison. Il n’est pas qu’un sentiment, mais il est une réalité beaucoup plus complexe. Aimer peut avoir pour objet aussi bien des êtres que des objets, ou des concepts matériels ou immatériels. Aimer est l’un des sujets les plus abordés dans la littérature, la philosophie et l’art…

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