
La pandémie de la Covid 19 qui a frappé le monde entier, a inspiré les concepteurs du thème des prépas scientifiques pour le choix de cette expression « la force de vivre ». Ce thème est donc d’une actualité bouleversante. L’expérience du confinement que le monde a vécue a transformé nos modes de vie et nos habitudes quotidiennes nous poussant ainsi à puiser dans nos ressources propres de la force vitale et de l’énergie nécessaire pour surmonter cette crise existentielle. C’est donc un thème qui nous parle tant la mise à l’épreuve est universelle et chacun de nous l’a au moins expérimentée une fois dans sa vie.
Mais, cette expression « la force de vivre » parait comme paradoxale tant la vie ne nécessite pas à proprement parler un effort: nous respirons sans y penser, naturellement et spontanément. Elle peut également sembler pléonastique[1] tant l’origine étymologique est commune. En effet, Les deux mots sont issus de la même racine. En grec « bios » masculin signifie vie, alors que « bia » féminin signifie « force et puissance. » En latin, « Vita » = la vie, « vis »= la force. Le même radical qu’on retrouve dans « vir » = viril » et « virtus »= détermination, vigueur, fermeté”.
La vie est donc en elle-même une force, une dynamique qui s’oppose à l’inertie et à la mort. Quand nous sommes en vie, nous faisons preuve naturellement d’une présence active spontanée. Toutefois, il y a des moments dans notre existence où les choses ne se passent pas aussi facilement, et où nous devons faire un effort sur nous-mêmes pour trouver la volonté de vivre, l’envie de continuer à vivre. C’est de cela qu’il s’agit quand on confronte le thème avec le contenu des œuvres au programme. Chacune de ces œuvres parle en effet de ce qui peut nous décourager, nous rendre la vie plus difficile : la perte d’un être cher, une catastrophe, la maladie, l’exil, la perte de ses illusions ou simplement la conscience de la mort.
Dans l’histoire de la littérature et de la philosophie, Il s’agit d’un thème fréquemment traité sous un nom différent. Le plus ancien est peut-être celui de deuil : ce mot vient d’une racine latine qui a produit en français le mot douleur, le deuil étant alors la douleur morale consécutive à une perte. Au sens propre, c’est la perte d’un être cher, d’un parent ou d’un enfant, comme c’est le cas pour Victor Hugo et sa fille Léopoldine, morte à dix-neuf ans en 1843.
Cela peut être aussi la perte de sa patrie, ou de sa maison. C’est alors un déracinement, un dépaysement imposé et vécu comme une mutilation. Les babouchkas (Grands-mères, femmes âgées en russe) qui s’obstinent à demeurer sur le sol contaminé de Pripiat[2] après l’explosion de Tchernobyl, dans le roman de Svetlana Alexievitch, en rappellent l’obsession. Victor Hugo, lui aussi, sur les îles anglo-normandes de Jersey, puis Guernesey[3], se retrouve entre 1853 et 1870 dans la position inconfortable de l’exilé.
Enfin, on peut interpréter cette expression dans un sens métaphysique [4]: la force de vivre n’est-ce-pas l’instinct vital, l’énigme de la vie, qui fait des êtres vivants un mystère insoluble, un miracle de chaque instant ? Si les textes ne posent pas explicitement cette question, ils posent en revanche assez clairement celle qui lui correspond : vers quoi s’achemine et où disparaît cette énergie ? Doit-on considérer que la vie s’éteint comme une lampe, ou est-il possible de croire qu’elle continue dans un autre monde, qu’elle ne meurt jamais tout à fait.
Les religions ont pour la plupart des réponses à apporter, mais elles ne peuvent prétendre satisfaire complètement ce questionnement fondamental. La question de l’existence d’un au-delà se pose, que ce soit pour le souhaiter et s’en consoler, comme Victor Hugo et certains personnages de La Supplication, ou pour le rejeter comme Nietzsche et d’autres personnages de La Supplication.
Mais avant d’approfondir toutes ces idées en les confrontant aux œuvres du programme, commençons d’abord par définir les concepts-clés du thème !
a – la force: En français, le terme force désigne à la fois des phénomènes concrets (la force physique, la force des marées, la force du vent, la force musculaire) et des qualités morales (le courage, la vaillance, l’ardeur, la ténacité dans l’effort, la résistance à l’épreuve).
b- vivre : l’infinitif est une forme nominale du verbe qui désigne l’action même d’exister, d’être en vie. Il peut aussi contenir le sens de durée. « vivre » sous-entend une continuité, une certaine durée de l’expérience et d’une distance.
Il désigne également la manière dont on se procure les moyens nécessaires pour assurer non seulement sa propre survie mais une existence convenable et digne. (Passer de la logique de survie à la logique du confort, selon Aristote)[5].
Il signifie encore « habiter, passer du temps dans un endroit ». Il met en valeur ce qu’éprouve l’être humain par « l’expérience » ce qu’il endure ou supporte (on peut aussi bien vivre un malheur qu’un bonheur). Il s’emploie également au pluriel pour caractériser ce qui nourrit l’homme physiquement, intellectuellement et spirituellement pour définir la vie au sens de l’existence.
a- l’expression la force de vivre :
La force vitale est donnée à la naissance et elle se développe avec la croissance des êtres vivants en bonne santé. À partir de là, on pourrait considérer l’expression « la force de vivre » dans son sens physiologique, c’est-à dire comme la propriété du vivant consistant à exister dans le monde grâce à des aptitudes physiques qui sont liées au mouvement, puisqu’elle « modifie l’état de mouvement ou de repos d’un corps », et à la « capacité de résistance à un choc, à une pression ».
Il faut donc bien admettre que la formule relève d’abord d’éléments concrets, quantifiables, étudiés par la science (physique, biologie, médecine), et qu’elle est employée quand le corps est mis à l’épreuve, la force équivalant alors à une forme de résistance ou d’endurance physique.
Mais cette expression « la force de vivre » relève surtout des domaines de la psychologie et de la morale, car c’est plutôt dans son sens figuré que nous l’utilisons ou l’entendons, en particulier dans certaines circonstances liées à une lutte, à un combat.
Cela explique d’ailleurs pourquoi la formule se rencontre régulièrement dans les programmes de « développement personnel », qui donnent des recettes pour retrouver la joie de vivre et surmonter les peines. L’expression caractérise donc une attitude face à l’extrême. On peut alors se demander si la force de vivre relève de l’inné ou de l’acquis.
b- les origines de la force de vivre :
Chaque être naît en effet avec une part d’énergie qui l’anime, mais celle-ci peut aussi se forger en fonction des parcours de vie. Sur ce point, la notion est donc relative et se définit selon les circonstances et les expériences vécues. Elle marque un état auquel un individu est parvenu grâce à la volonté ou à l’espoir. C’est ce que la psychologie appelle la « résilience », c’est-à-dire la faculté de se relever après un choc.
3-Synonymes, antonymes et concepts voisins :
a-Force : synonymes : capacité, vigueur, faculté, puissance, ardeur, énergie, courage, bravoure, détermination, fermeté, ferveur…
Antonymes : faiblesse, perte, torpeur, engourdissement, inertie, immobilité, passivité, léthargie, paralysie…
b-Vivre : synonymes : exister, végéter, être, habiter un lieu ou un temps, durer, subsister, perdurer…
Antonymes : mourir, trépasser, s’anéantir, disparaître, s’étioler, s’éclipser…
c- concepts voisins du thème :
– Adversité : « Adversum »= obstacle qui se met au chemin de l’individu. Ce terme permet de penser à la fois le malheur auquel on est soumis et l’hostilité de ce qui entrave nos intentions. Le sentiment d’adversité peut mener soit à la soumission et à la résignation, soit au contraire à la lutte et au combat.
-Apathie : L’absence de passion est valorisée notamment par les stoïciens qui y voient une manière d’atteindre la tranquillité de l’âme, l’ataraxie. Les chemins qui y conduisent passent parfois par l’altruisme et l’abnégation mais ils peuvent également se fonder sur la méditation et la contemplation, sur la réflexion profonde.
-Amour : Sentiment d’attachement, d’attraction ressenti vis à vis d’une personne, d’une idée d’un lieu. Principe dynamique qui est tourné généralement vers autrui. C’est un instinct de conservation de soi. Et surtout un sentiment généreux et désintéressé quand il est porté sur les autres(les proches parents, la patrie la nature, des idéaux comme la justice et la liberté.
-Catastrophe : désignant d’abord la fin d’une intrigue, la catastrophe trouve son caractère destructeur dans l’idée d’un bouleversement qui met fin à une action. C’est un désastre dont les conséquences sur le plan individuel ou collectif sens terribles. La catastrophe de Tchernobyl est dans ce sens un bouleversement inédit qui a complètement transformé la vie des habitants des frontières biélorusses.
– Courage : Issu de la même origine que le mot cœur, le courage désigne une énergie vitale, une tension dynamique: celui qui a des qualités de cœur est par nature courageux. La générosité du cœur constitue alors la force nécessaire pour empêcher le sentiment de découragement et pour lutter contre les dangers extérieurs matérialisés par un destin contraignant. Les liquidateurs sont courageux, Charles Vacquerie est courageux. Hugo qui critique Napoléon III est courageux.
-Deuil : de même origine que douleur « dolor »c’est une réaction et un sentiment de tristesse éprouvée à la suite de la mort d’un proche. Souvent associé à la souffrance, le deuil est aussi considéré comme un processus nécessaire de délivrance pour surmonter le choc. Lorsqu’un événement provoque une crise dans la vie d’un individu, un changement radical est opéré dans la situation établie jusqu’alors. Le deuil possède aussi le sens de « perte définitive » d’un objet auquel un individu peut tenir.
Le deuil est un processus actif, dit « faire le deuil ». L’individu en deuil peut sembler souffrir d’un état dépressif plus ou moins intense, mais un cheminement intérieur se fait en direction d’une reconstruction.
-Effort : C’est une énergie vitale que l’individu déploie pour lutter contre l’adversité. Orienté vers un objectif à atteindre, l’effort requiert la mise en œuvre de l’action dans la dynamique physique ou psychique qui arrache l’individu à sa passivité en sollicitant sa volonté. L’effort se rapproche de la de l’endurance l’endurcissement suivant que l’on s’intéresse à la persévérance de son action ou à l’impact des passions sur son existence
-Éros : L’éros constitue un principe de construction d’organisation et d’harmonie. Il renvoie également à cette énergie de persévérance(Le Contus). Il s’oppose au Thanatos qui constitue un principe de destruction de négationnisme. L’éros permet de fonder l’unité d’un individu ou d’un groupe.
-Espoir : l’étymologie du mot désigne l’attente d’un événement heureux. Dans le domaine religieux, ce terme se rapproche de la foi qui implique l’espérance absolue généreuse relative à l’accomplissement d’un événement heureux qui viendrait ultérieurement. Dans son sens profane, l’espoir permet de fixer des objectifs, définir un but avec un aboutissement prévisible, ce qui éloigne les individus de la négation et du désespoir.
-Existence : Dans le langage courant, la notion d’existence semble moins puissante que celle de vie. Elle désigne simplement une persistance dans la durée alors que la vie constitue une force volontaire. Toutefois l’étymologie restitue à ce terme son intérêt étant donné la présence de la conscience chez le sujet qui existe. Le latin utilisant le préfixe « ex » qui signifie hors de donne à « exister » le sens de sortir de. Ce qui permet à l’individu une affirmation de son être dépassant la simple biologie et intégrant une dimension consciente ontologique (relative à l’existence) à distinguer d’(Anthologique : original, qui reste dans les annales).
L’humain se distingue alors les êtres de la matière par son action sur le réel et son on angoisse de finitude.
-Foi : du latin fides, « confiance » le mot désigne étymologiquement le fait d’avoir confiance en quelque chose ou quelqu’un. En général, cela revient à juger authentiques certains faits ou certains événements, en vue de trouver des solutions à des problèmes. C’est un facteur qui permet à ceux qui souffrent d’endurer la souffrance et d’accepter le malheur en se disant que la récompense viendra après ou que ce qui leur arrive a un sens dans le déroulement de la vie. (L’histoire de Job qui a perdu la santé, la richesse et les enfants mais n’pas perdu sa foi en Dieu))
-Destin : – Puissance supérieure qui semble régler d’une manière fatale les événements de la vie humaine ; fatalité : « C’est le destin qui l’a voulu. »
– Ensemble, suite des événements qui forment la trame de la vie humaine ou des sociétés et semblent commandés par cette puissance supérieure : « Avoir un destin tragique ».
-Existence humaine en général, sort : Être l’artisan de son destin. « L’existence précède l’essence » Sartre.
–Instinct /Pulsion : L’instinct est ce qui permet aux animaux, et à la part animale de l’être humain, d’agir sans passer par la réflexion. On réduit souvent les besoins les plus naturels de l’homme à des instincts dont il ne pourrait pas se défaire. La pulsion, elle, est ce qui nous pousse à agir, sans exclure la réflexion. Son origine n’est pas le corps mais l’esprit. Instinct et pulsion jouent un rôle majeur dans la vie humaine.
-Maladie : comme la malédiction, la maladie indique un mal auquel l’individu est soumis. Étymologiquement (mal-habitus) la mauvaise manière d’être désigne l’état d’altération physique ou psychique dans lequel se trouve un sujet alors que la malédiction (la parole nuisible) ajoute à cet état une dimension discursive car elle suppose une origine malveillante de la souffrance qui éloigne la maladie de l’emprise du hasard pour la ranger sous la volonté malfaisante de quelqu’un, ce qui accroît la douleur.
–Résilience : capacité de rebondir après un traumatisme, capacité de résistance à un choc. Dans le domaine de la mécanique, « la résistance d’un matériau au choc et sa capacité de reprendre sa forme initiale. Appliqué à l’homme, la faculté de se reconstruire après un malheur.
-Souffrance : est souvent associée à la douleur psychologique. Elle tient son origine dans la réaction de l’individu face à des événements plutôt que la réalité elle-même. En d’autres termes, la douleur survient dans l’esprit et non pas dans la réalité puisque divers facteurs entrent en jeu comme les peurs, les désirs et les besoins de chaque personne. « Ce qui ne me tue pas, me rend plus fort » Nietzsche. La souffrance permet de se renforcer.
Vocabulaire :
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