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Culture générale : Textes sur le thème de l’animal

PYTHAGORE -580 – -495

Tout change, rien ne meurt. L’âme erre d’un corps à un autre, quel qu’il soit : elle passe de l’animal à l’homme, de l’homme à l’animal, et ne périt jamais. Comme la cire fragile reçoit des formes variées et change de figure sans changer de substance : ainsi j’enseigne que l’âme est toujours la même, mais qu’elle émigre en des corps différents. Dans vos appétits déréglés, craignez donc de devenir impies. Je le déclare, au nom des Dieux, prenez garde, par le meurtre détestable des animaux, de chasser de leur nouvel asile les âmes de vos parents. Que votre sang ne se nourrisse point de votre sang […] Laissons donc en paix ces corps où réside peut-être un père, un frère, un homme du moins. Avec quelles horreurs on se familiarise ! Comme on se prépare à verser cruellement le sang humain, lorsqu’on enfonce le couteau dans la gorge d’une génisse et qu’on est sourd à ses mugissements ! Ah ! Quand un homme peut immoler un chevreau, malgré ses cris semblables aux vagissements de l’enfant, ou se repaître de l’oiseau nourri par ses mains, que lui manque-t-il pour arriver jusqu’au forfait ? Vers quels abîmes ne se fraye-t-il pas un chemin ?

Ovide (1er siècle). Les Métamorphoses. Traduit par Étienne Gros (1835). Texte établi par Cabaret-Dupaty (1866).

 

PLATON -428 – -348

Il y a des bêtes qui sont des hommes tombés et qui peuvent, au cours des cycles de la transmigration, redevenir des hommes – et même mieux que des hommes. Mais il y a aussi peut-être des bêtes qui n’ont jamais été des hommes, qui se trouvent dépourvues de passé et donc d’avenir, des âmes mortes en quelque sorte. C’est à l’intérieur de l’animalité que se dessine la frontière : on ne peut savoir lesquels des animaux (et cela vaut tant pour les espèces que pour les individus) sont seulement des bêtes et lesquels ont été et peuvent redevenir des hommes. Et comme de surcroît il y a des hommes entièrement bestiaux (les tyrans, par exemple), la séparation entre hommes et animaux, entre spiritualité et matérialité, ne peut consister que dans cette rupture tragique entre le sensible et le sens que constitue l’oubli […] Une hiérarchie entre les vivants qui se meuvent peut donc s’établir, et selon un unique critère : la pesanteur de leur enveloppe corporelle. Les dieux sont les astres dont les corps de feu roulent dans le ciel ; les hommes ont des corps matériels, mais, redressés, par leur force spirituelle, ils sont capables de la station debout qui commande leur rapport à l’altitude et à la lumière ; quant aux bêtes, elles ont dû renoncer à cette station debout, à moins qu’elles n’aient jamais pu s’y tenir. Une échelle animale se déploie en vertu de ce révélateur pondéral. Par ordre de spiritualité décroissante et de matérialité croissante se succèdent les oiseaux, les quadrupèdes et les rampants. Les oiseaux reproduisent dans le ciel les performances des dieux, mais leurs ailes sont empiriques et dénuées de signification spirituelle. Les quadrupèdes, entièrement oublieux des idées, ne peuvent pas se tenir debout et ne voient même pas le ciel sensible, ce sont des âmes paresseuses, à ras de terre. Les rampants, les reptiles, mais aussi les poissons et les coquillages, se tiennent pour ainsi dire encore plus bas.

De Fontenay, E. (1998). Le silence des bêtes : La philosophie à l’épreuve de l’animalité. Fayard.

 

ARISTOTE -348 – -322

Les facultés de l’âme, ou bien appartiennent toutes ensemble à quelques êtres, ou bien d’autres êtres n’en ont que quelques-unes seulement ; ou même d’autres n’en ont qu’une seule. Nous appelons facultés : la nutrition, les appétits, la sensibilité, la locomotion et la pensée. Les plantes n’ont que la nutrition ; d’autres êtres ont à la fois la nutrition et la sensibilité. Quand il y a sensibilité, il y a de plus appétit ; car l’appétit est désir, passion et volonté. Il est un seul sens que tous les animaux sans exception possèdent, c’est le toucher. Mais l’être qui a sensibilité a aussi peine et plaisir, selon que l’objet est agréable ou pénible et les êtres qui ont ces qualités ont en outre le désir, car le désir est l’appétit de ce qui fait plaisir. De plus, ces êtres ont aussi le sens de la nourriture, car le toucher est le sens de l’alimentation. Tous les animaux, en effet, se nourrissent de matières sèches et liquides, chaudes et froides, et le sens propre de toutes ces choses, c’est le toucher. S’il s’applique aux autres choses sensibles, c’est indirectement ; en effet, ni le son, ni la couleur, ni l’odeur, ne contribuent en rien à la nourriture de l’animal ; mais la saveur est l’une des choses accessibles au sens du toucher. La faim et la soif sont des désirs ; la faim se rapporte au sec et au chaud, la soif se rapporte au froid et au liquide ; mais la saveur est comme l’assaisonnement de tous les aliments. Les animaux qui ont le toucher ont aussi l’appétit. Ont-ils aussi l’imagination ? C’est ce qui est incertain. Quelques animaux ont, outre ces facultés, la locomotion. D’autres, comme l’homme, ont de plus la pensée et l’intelligence, et quelque autre faculté, s’il y en a, qui soit analogue ou même supérieure à celles-là. Il est donc clair que la définition de l’âme ne peut être une, que comme l’est celle de la figure en géométrie. Si, dans cette science, il n’y a pas d’autres figures que le triangle et les figures qui le suivent, ici non plus il n’y a pas d’autres espèces d’âmes que celles qu’on a énumérées. Toutefois, on pourrait chercher, même pour les figures, une notion commune qui convînt à toutes sans exception et qui ne fût pas spécialement propre à chacune, et de même pour les âmes que l’on a indiquées. Mais il serait ridicule de chercher pour elles, aussi bien que pour les figures géométriques, une notion commune qui ne serait ni la notion propre d’aucune des choses en question ni relative à l’espèce particulière et individuelle que l’on considérerait. Laissons donc cette recherche de côté. Mais à un autre égard, il en est de même à peu près pour l’âme que pour les figures. Pour celles-ci et pour les êtres animés, le terme qui suit contient également, en puissance, le terme qui le précède ; et, par exemple, le triangle est dans le carré, la nutrition dans la sensibilité ; de telle sorte que, pour chaque être, il faut chercher spécialement quelle est l’âme dont il est doué ; et ainsi, quelle est l’âme de la plante, celle de l’homme ou celle de la bête.

Barthélemy-Saint-Hilaire, J. (1846). Psychologie d’Aristote : Traité de l’âme traduit en français pour la première fois et accompagné de notes perpétuelles. Librairie philosophique de Ladrange.

 

SÉNÈQUE – 4 – 65

La colère est inconnue des êtres sauvages et de tous les êtres à l’exception de l’homme. En effet, quoiqu’elle soit l’ennemie de la raison, elle ne peut naître pourtant que là où il y a de la place pour la raison. Les bêtes ont de l’empotement, de la rage, de la sauvagerie, des dispositions agressives, mais elles ne sont pas plus susceptibles de colère que de luxure, et pourtant, pour certaines voluptés, elles sont plus ardentes que l’homme […] La bête est étrangère aux passions ; mais elle a des instincts qui leur ressemblent ; autrement, si elle était susceptible d’amour et de haine, elle le serait d’amitié et d’antipathie, de désaccord et de concorde ; or il y a bien chez elle des vestiges de ces sentiments ; mais, bons ou mauvais, ils sont propres au cœur humain. À l’homme seul ont été accordés le discernement, la prévoyance, l’application, la réflexion ; et non seulement les vertus humaines, mais les vices mêmes ont été refusés aux animaux. Leur forme tant intérieure qu’extérieure est différente de celle de l’homme ; la faculté royale et directrice de l’être a été formée différemment.

Sénèque (1971). De la colère, texte établi et traduit par A. Bourgery, Paris, Les Belles Lettres.

PLUTARQUE – 46 – 125

Les hommes ont reçu peu de force en partage ; mais l’industrie et l’art leur donnent l’avantage de vaincre, de dompter les plus fiers animaux qui vivent sur la terre ou dans le sein des eaux. Mais c’est aussi de là que cette insensibilité, cette âpreté sauvage est née dans les hommes, qui, une fois qu’ils ont connu le meurtre, ont contracté à la chasse l’habitude de voir sans horreur couler le sang des animaux, et ont même pris plaisir à les égorger et à les mettre en pièces. Le premier délateur que les trente tyrans d’Athènes firent mettre à mort fut jugé digne du supplice ; on applaudit à l’exécution du second et du troisième. Ces succès ayant enhardi les tyrans, ils en vinrent peu à peu à condamner des gens bien et finirent par égorger les citoyens les plus vertueux. De même, le chasseur qui, le premier, tua un ours ou un loup, reçut des applaudissements. Un bœuf ou un pourceau qui avaient touché aux offrandes sacrées parurent aussi justement condamnés à mort. Bientôt les cerfs, les lièvres et les chevreaux, dont on mangea la chair, invitèrent à faire servir sur les tables celle des moutons, et même, en quelques endroits, celle des chiens et des chevaux. Mais ceux qui, les premiers, ont mis en pièces un oiseau privé ou un pigeon domestique, non pour apaiser leur faim comme les chats et les belettes, mais pour satisfaire leur goût, ceux-là ont fortifié dans l’homme ce que la nature a mis en lui de sanguinaire et de féroce. Ils l’ont rendu inaccessible à la pitié et ont presque étouffé sa sensibilité naturelle. Les pythagoriciens, au contraire, prescrivaient d’user de douceur envers les animaux, afin de contracter l’habitude de l’humanité et de la compassion à l’égard des hommes ; car l’habitude, formée peu à peu sur des affections légères, nous mène insensiblement très loin.

Ô meurtrier contre nature ! Si tu t’obstines à soutenir qu’elle t’a fait pour dévorer tes semblables, des êtres de chair et d’os, sensibles et vivants comme toi, étouffe donc l’horreur qu’elle t’inspire pour ces affreux repas ; tue les animaux toi-même, je dis de tes propres mains, sans ferrements, sans coutelas ; déchire-les avec tes ongles, comme font les lions et les ours ; mords ce bœuf et mets le en pièces ; enfonce tes griffes dans sa peau ; mange cet agneau tout vif, dévore ses chairs toutes chaudes, bois son âme avec son sang. Tu frémis ! Tu n’oses sentir palpiter sous ta dent une chair vivante ! Homme pitoyable ! Tu commences par tuer l’animal, et puis tu le manges, comme pour le faire mourir deux fois. Ce n’est pas assez : la chair morte te répugne encore, tes entrailles ne peuvent la supporter ; il la faut transformer par le feu, la bouillir, la rôtir, l’assaisonner de drogues qui la déguisent : il te faut des charcutiers, des cuisiniers, des rôtisseurs, des gens pour t’ôter l’horreur du meurtre et t’habiller des corps morts, afin que le sens du goût, trompé par ces déguisements, ne rejette point ce qui lui est étrange, et savoure avec plaisir des cadavres dont l’œil même eût eu peine à souffrir l’aspect. Quoique ce morceau soit étranger à mon sujet, je n’ai pu résister à la tentation de le transcrire, et je crois que peu de lecteurs m’en seront mauvais gré.

Ricard (1844). Œuvres morales de Plutarque, Tome Quatrième. Lefèvre Editeur, Paris.

 

PORPHYRE – 234 – 310

Tous les hommes mais aussi tous les animaux sont de la même race, les mêmes principes de corps se trouvant dans tous les animaux. Je ne prétends point parler des premiers éléments, dont les plantes sont aussi composées, mais de la semence des chairs et des liqueurs qui sont naturelles à tous les animaux. Je parle de leurs âmes, qui se ressemblent par les désirs, par la colère, par le raisonnement et surtout par le sentiment. Les corps des animaux, de même que leurs âmes, ont différents degrés de perfection, mais ce sont les mêmes principes chez les uns et chez les autres ; ce qui est bien prouvé par la ressemblance de leurs passions. Si tout ce que nous venons de dire est vrai, il faut convenir que tous les animaux pensent, et que la seule différence qui est entre eux et nous ne consiste que dans le genre de vie, de sorte que nous devons les regarder comme nos alliés.

Il y a deux sortes de raisons selon les Stoïciens, l’une intérieure et l’autre extérieure. Celle-ci se communique au dehors. Il y en a une droite ; il y en a une défectueuse. Il faut examiner de laquelle les animaux sont privés. Est-ce de la droite raison ? Est-ce de la raison en général ? Est-ce de la raison intérieure ? Est-ce de la raison extérieure ? Il semble qu’on veuille leur ôter non seulement l’usage de la droite raison, mais aussi quelque raison que ce soit parce qu’autrement ils ressembleraient aux hommes, chez lesquels à peine y a-t-il un sage ou deux, sur qui la raison domine toujours. Les autres sont vicieux, quoiqu’ils aient la raison en partage. Mais les hommes portant l’amour propre trop loin, ont décidé que les animaux étaient privés de toute raison. S’il faut cependant dire la vérité, non seulement tous les animaux ont de la raison ; mais aussi il y en quelques-uns qui la portent jusqu’au plus haut degré de perfection. Puisqu’il y a deux raisons, l’une qu’on montre au dehors et l’autre intérieure, commençons à parler de celle qui se fait connaître par les sons. C’est la voix qui s’exprime par l’organe de la langue, qui fait connaître ce qui se passe au-dedans de nous et les passions de notre âme. C’est de quoi tout le monde sera obligé de convenir. Peut-on dire que cette voix manque aux animaux ? N’expriment-ils point ce qu’ils sentent ; et ne pensent-ils point avant de s’expliquer ? Car j’entends par la pensée ce qui se passe intérieurement dans l’âme, avant qu’on l’exprime par la voix. De quelque façon ensuite que l’on parle, soit comme les Barbares, soit comme les Grecs, soit comme les chiens, soit comme les bœufs, c’est la raison qui s’exprime ; et les animaux en sont capables. Les hommes conversent entre eux suivant les règles qu’ils ont établies ; et les animaux ne consultent dans leur façon de s’exprimer, que les lois qu’ils ont reçues de dieu et de la nature. Si nous ne les entendons pas, cela ne prouve rien. Car les Grecs n’entendent point le langage des Indiens ; et ceux qui sont élevés dans l’Attique ne comprennent rien à la langue des Scythes, des Thraces et des Syriens. C’est la même chose pour eux que le cri des grues. Cependant, ils écrivent et articulent leur langue, comme nous écrivons et comme nous articulons la nôtre ; et nous ne pouvons ni articuler, ni lire la langue des Syriens et des Perses non plus que celle des animaux. Nous entendons seulement du bruit et des sons, sans rien comprendre. Lorsque les Scythes parlent entre eux, il nous semble qu’ils ne font que gazouiller, tantôt haussant, tantôt baissant la voix ; c’est un langage absolument inintelligible pour nous. Cependant, ils s’entendent aussi bien entre eux, que nous nous entendons nous-mêmes. Il en est de même des animaux. Chaque espèce entend le langage de la sienne ; et ce langage ne nous paraît qu’un simple son qui ne signifie rien parce qu’il ne s’est encore trouvé aucun homme qui ait pu nous apprendre la langue des animaux et nous servir d’interprète […] La variété et la différence de leurs sons prouvent assez qu’ils signifient quelque chose. Ils s’expriment différemment lorsqu’ils ont peur, lorsqu’ils s’appellent, lorsqu’ils avertissent leurs petits de venir manger, lorsqu’ils caressent ou lorsqu’ils se défient au combat, et cette différence est si difficile à observer à cause de la multitude des diverses inflexions, que ceux même qui ont passé leur vie à les étudier, y sont fort embarrassés. Les augures qui examinent le croassement de la corneille et du corbeau, en ont bien remarqué un très grand nombre de différents ; mais ils n’ont pas pu les observer tous, parce que cela n’est pas possible aux hommes. Quand les animaux parlent entre eux, les sons dont ils se servent sont très significatifs, quoique nous ne les entendions pas. Mais s’ils paraissent nous imiter, apprendre la langue grecque, et entendre ceux qui les gouvernent, qui est celui qui peut avoir assez peu de bonne foi pour nier qu’ils soient raisonnables, parce qu’il ne les entend pas ? Les corbeaux, les pies, les bouvreuils, les perroquets imitent le langage des hommes, se souviennent de ce qu’ils ont entendu et apprennent ce qu’on leur dit. Ils obéissent à leurs maîtres […] S’il y a des animaux qui ne peuvent ni imiter notre langage, ni l’apprendre, cela ne prouve rien ; n’y-a-t-il pas des hommes qui ne peuvent ni imiter, ni apprendre, je ne dis pas les cris des animaux, mais même les cinq différents dialectes ? […] Les animaux qui ne font point usage de leur langue pour exprimer ce qu’ils pensent sont cependant affectés des mêmes sentiments que ceux qui parlent. Ce serait donc une chose fort déraisonnable de dire qu’il n’y a de la raison que dans le discours de l’homme, parce que nous le comprenons ; et qu’il n’y en a point dans le langage des animaux parce qu’il nous est inintelligible. C’est comme si les corbeaux soutenaient que leur croassement est le seul langage raisonnable, et que nous sommes sans raison, parce qu’ils n’entendent pas ce que nous disons […] La musique adoucit certains animaux, et de sauvages les rend doux : tels sont les cerfs, les taureaux et plusieurs autres. Ceux même qui prétendent que les animaux n’ont point de raison, conviennent que les chiens suivent les règles de la dialectique, et font dans quelques occasions des syllogismes. Lorsqu’ils poursuivent une bête, et qu’ils sont arrivés à un carrefour qui se termine à trois chemins, ils raisonnent ainsi : elle n’a pu passer que par l’une de ces trois routes : or elle n’est passée ni par celle-là ni par celle-ci donc c’est par cette troisième-ci qu’il faut la poursuivre. On répondra sans doute que c’est par un instinct naturel que les animaux agissent ainsi, puisqu’ils n’ont point été instruits. Mais ne recevons-nous pas de la nature notre raison ?

Lévesque de Burigny, J. (1747). Traité de Porphyre touchant l’abstinence de la chair des animaux.

L’homme est un animal politique,  Aristote

« C’est pourquoi toute cité est naturelle, puisque le sont les premières communautés qui la constituent. Car elle est leur fin, et la nature est fin : car ce que chaque chose est une fois que sa genèse est complètement achevée, nous disons que c’est la nature de cette chose, ainsi pour un homme, un cheval, une famille. De plus le « ce en vue de quoi » c’est-à-dire la fin, c’est le meilleur ; et l’autarcie est à la fois la fin et le meilleur.

Nous en déduisons qu’à l’évidence la cité fait partie des choses naturelles, et que l’homme est par nature un animal politique ; si bien que celui qui vit hors cité, naturellement bien sûr et non par le hasard des circonstances, est soit un être dégradé, soit un être surhumain : il est comme celui qu’Homère injurie en ces termes : « sans lignage, sans loi, sans foyer ». Car un tel homme est du même coup naturellement passionné de guerre. Il est comme une pièce isolée au jeu de tric-trac.

C’est pourquoi il est évident que l’homme est un animal politique, bien plus que n’importe quelle abeille ou n’importe quel animal grégaire. Car, nous le disons souvent, la nature ne fait rien en vain. Et seul parmi les animaux l’homme est doué de parole.

Certes la voix sert à signifier la douleur et le plaisir, et c’est pourquoi on la rencontre chez les autres animaux (car leur nature s’est hissée jusqu’à la faculté de percevoir douleur et plaisir et de se les signifier mutuellement). Mais la parole existe en vue de manifester l’utile et le nuisible, puis aussi, par voie de conséquence, le juste et l’injuste. C’est ce qui fait qu’il n’y a qu’une chose qui soit propre aux hommes et les sépare des autres animaux : la perception du bien et du mal, du juste et de l’injuste et autres notions de ce genre ; et avoir de telles notions en commun, voilà ce qui fait une famille et une cité. »

Aristote (384 av. J.-C.-322 av. J.-C.), La Politique.

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