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Désir et société de consommation Baudrillard

Jean Baudrillard

Né le : 20/06/1929
Décédé le : 06/03/2007

Sociologue français (1929-2007) qui a consacré son œuvre à l’analyse de la société contemporaine, philosophe français aussi et théoricien de la société contemporaine.

Œuvres majeures : Le système des objets (1968) – La société de consommation (1970)

Questions :

  • Quels sont les effets anthropologiques de l’exacerbation, de l’amplification du phénomène du désir dans les sociétés de consommation ?
  • Comment est-ce que l’acte de désirer, qui stimule la consommation, devient-il un moyen d’identification et de différenciation au sein de la société ?

INTRODCUTION

Ces textes nous montrent comment la société de consommation exacerbe le mécanisme du désir fondé sur la logique cyclique de l’insatisfaction. En proposant sans cesse de nouveaux objets, elle ne fait qu’amplifier le phénomène/ les stratégies de la publicité mettent en lumière la cause profonde du désir : un manque radical d’être. Elles ne nous offrent pas de l’avoir mais de l’être : nous allons être plus beaux, aventuriers, princesses ou de bons parents en achetant tel ou tel produit. On peut donc dire, à l’instar de Baudrillard dans Système des objets que « la consommation n’a pas de limite ». Enracinée dans ce manque d’être, elles nous offrent des symboles, des images que nous cherchons à atteindre en vain.

Texte 1

Il n’y a pas de limites à la consommation. Si elle était ce pour quoi on la prend naïvement : une absorption, une dévoration, on devrait arriver à une saturation. Si elle était relative à l’ordre des besoins, on devrait s’acheminer vers une satisfaction. Or, nous savons qu’il n’en est rien : on veut consommer de plus en plus.

La satisfaction n’est pas liée à l’ordre du besoin dans les sociétés de consommation. Elle est désormais fondée sur la logique cyclique de l’insatisfaction.

Cette compulsion de consommation n’est pas due à quelque fatalité psychologique (qui a bu boira, etc.) ni à une simple contrainte de prestige. Si la consommation semble irrépressible, c’est justement qu’elle est une pratique idéaliste totale qui n’a plus rien à voir (au-delà d’un certain seuil) avec la satisfaction de besoins ni avec le principe de réalité.

Consommation irraisonnée et incontrôlée, irréfléchie.

Idéalisme : Dans le langage courant, l’idéalisme est l’attitude de quelqu’un qui oriente sa pensée et ses actions d’après un idéal. Et qu’est ce qu’un idéal ? L’idéal, c’est qui n’existe que dans l’imagination.

C’est qu’elle est dynamisée par le projet toujours déçu et sous-entendu dans l’objet. Le projet immédiatisé dans le signe transfère sa dynamique existentielle à la possession systématique et indéfinie d’objets/signes de consommation. Celle-ci ne peut dès lors que se dépasser, ou se réitérer continuellement pour rester ce qu’elle est : une raison de vivre. Le projet même de vivre, morcelé, déçu, signifié, se reprend et s’abolit dans les objets successifs.

La société de consommation qui amplifie le désir en créant systématiquement des symboles, des images, transforme le désir de consommer en « raison d’être », désirer, consommer, deviennent des raisons vivre, un projet. Or ce projet sitôt construit, il se détruit car d’autres objets à consommer apparaissent, donc d’autres projets de vivre associés à d’autres objets désirables : Ainsi le désir se révèle marqué par la cyclicité car il est associé à un manque, à une faille ontologique difficile à combler.

Le sujet désirant de la société de consommation vit dans un mouvement contradictoire, dialectique : créer des objets pour s’accomplir, puis les détruire en cherchant d’autres satisfaction, donc d’autres objets pour exister.

Citation : « La société de consommation a besoin de ses objets pour être et plus précisément elle a besoin de les détruire« .Baudrillard Le Système des objets

Texte 2

Jusqu’ici, toute l’analyse de la consommation se fonde sur l’anthropologie naïve de l’homo œconomicus, ou mieux de l’homo psycho-œconomicus. Dans le prolongement idéologique de l’Économie Politique classique, c’est une théorie des besoins, des objets (au sens le plus large) et des satisfactions. Ce n’est pas une théorie. C’est une immense tautologie1 : « J’achète ceci parce que j’en ai besoin » équivaut au feu qui brûle de par son essence phlogistique2 […].

Phlogistique : Fluide particulier, qu’on supposait inhérent à tout corps et qui était censé produire la combustion en abandonnant ce corps.

Le désir, le besoin sont liés à une satisfaction déterminée par données physiologiques, biologiques. Théorie naïve.

Cette mythologie rationaliste sur les besoins et les satisfactions est aussi naïve et désarmée que la médecine traditionnelle devant les symptômes hystériques ou psychosomatiques.

  • Il y a une vérité, une signification cachée :
  • Exemple : L’hystérie est sans origine organique mais en dehors du contrôle volontaire de la personne, caractérisé par une hyper-expressivité des émotions, et une angoisse extériorisée dans le discours. Ce n’est pas la donnée biologique qui explique la complexité du phénomène.

Expliquons-nous : hors du champ de sa fonction objective, où il est irremplaçable, […] l’objet devient substituable de façon plus ou moins illimitée dans le champ des connotations, où il prend valeur de signe. Ainsi la machine à laver sert comme ustensile et joue comme élément de confort, de prestige, etc. C’est proprement ce dernier champ qui est celui de la consommation. Ici, toutes sortes d’autres objets peuvent se substituer à la machine à laver comme élément significatif. Dans la logique des signes comme dans celle des symboles, les objets ne sont plus du tout liés à une fonction ou à un besoin défini. Précisément parce qu’ils répondent à tout autre chose, qui est soit la logique sociale, soit la logique du désir, auxquels ils servent de champ mouvant et inconscient de signification.

L’objet, dans les sociétés de consommation est pourvu d’une signification, il y a une charge symbolique liée à un objet. L’objet désiré est significatif

(…) les objets deviennent dans la consommation un vaste paradigme où se décline un autre langage, où quelque chose d’autre parle. […] On pourrait dire que cette fuite d’un signifiant à l’autre n’est que la réalité superficielle d’un désir qui, lui, est insatiable parce qu’il se fonde sur le manque, et que c’est ce désir à jamais insoluble qui se signifie localement dans les objets et les besoins successifs.
Sociologiquement […] on peut avancer l’hypothèse que […] si l’on admet que le besoin n’est jamais tant le besoin de tel objet que le « besoin » de différence (le désir du sens social), alors on comprendra qu’il ne puisse jamais y avoir de satisfaction accomplie, ni donc de définition du besoin.

  • Baudrillard stipule dans Système des objets que « la consommation n’a pas de limite ». Enracinée dans ce manque d’être, elle nous offre des symboles, des images que nous cherchons à atteindre en vain.

Jean Baudrillard, La société de consommation(1970).

Commentaire texte 2 :

  • La consommation est un processus qui se déroule au-delà du visible et du conscient, dans le symbolique et l’inconscient. Dans la société de consommation, les individus sont en communication par le biais de ce qu’ils font le choix de consommer : ils échangent des signes et distribuent ainsi la valeur contenue dans ces signes. La consommation s’adresse plus profondément à la quête d’identité de l’individu consommateur. : Je suis ce que je désire, ce que je consomme : Le désir devient un moyen d’identification et de différenciation au sein de la société.
  • Jean Baudrillard montre plus précisément que la consommation propose à l’individu des différences personnalisantes : un style, un mode de vie, une idéologie, etc. avec lesquelles il peut composer son identité selon un modèle explicitement ou implicitement choisi. Dans cette perspective, l’identité et la personnalité ne sont pas le résultat du hasard, de la fatalité, ni même une construction à partir de l’histoire (nationale, familiale, etc.) et du vécu personnel ; elles résultent au contraire d’un choix, conscient ou inconscient, et prétendument « libre » – l’individu est ce qu’il choisit d’être par le biais de ce qu’il désire et consomme. Ces différences choisies, contrairement aux différences réelles, n’opposent pas les individus les uns aux autres, car elles correspondent à des modèles artificiels et implicites. Si bien que « se différencier, c’est précisément s’affilier à un modèle, se qualifier par référence à un modèle.

Texte 3

» Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective « business », soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (…).

Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (…).

Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise. «

Patrick Le Lay, PDG de TF1, interrogé parmi d’autres patrons dans un livre Les dirigeants face au changement (Editions du Huitième jour)

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