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Dissertation : La liberté est le principe de la démocratie, elle la fait naitre, mais à mesure qu’elle s’étend sans freins ni limites, elle finit par la faire mourir ».

Sujet étudié : Raymond Aron dit :

« La liberté est le principe de la démocratie, elle la fait naitre, mais à mesure qu’elle s’étend sans freins ni limites, elle finit par la faire mourir ».

 

 

 

 

 

 

Plan dialectique :

Axe 1 : De la liberté démocratique.
1  – La liberté : fondement naturel et artifice pour la démocratie.
2 –  Abolition des privilèges, Uniformisation et bien-être comme aspects de la liberté démocratie sans freins.
Axe 2 : Ni liberté ni démocratie :
1 –  Passions asservissantes.
2  -Despotisme liberticide.
Axe 3 : La démocratie est un compromis entre liberté et freins de liberté.
1 – Une liberté pour freiner l’abus de liberté par l’État.
2 –  Compromis : Liberté individuelle et autorité bureaucratique.

Dissertation intégralement rédigée

Les citoyens des sociétés modernes jouissent de l’air des libertés individuelles vues comme des acquis issus d’un long chemin de combats pour la démocratisation. Cependant, Raymond Aron voit dans cette liberté les prémisses qui achèvent le projet démocratique lorsqu’il affirme que « « La liberté est le principe de la démocratie, elle la fait naitre, mais à mesure qu’elle s’étend sans freins ni limites, elle finit par la faire mourir ». Ainsi, la liberté, comme fondement démocratique, peut sévir et introduire ses partisans dans la faillite de l’esprit démocratique. Il faut y voir alors le double usage de la liberté qui, sans être endiguée, entraine inéluctablement vers la mort de la démocratie et donc survivance de la dictature ou de l’anarchie. Force est de confirmer alors la nécessité d’un usage conscient et responsable de la liberté pour éviter tout abus liberticide ou anti-démocratique. Autrement dit, comment est-il possible d’établir une démocratie libre sans risquer de débordements de part et d’autre ? Pour mettre la lumière sur ce sujet, l’essai politique d’Alexis De Tocqueville intitulé De La Démocratie en Amérique sera la référence de base. Ainsi, il s’agira, dans un premier temps, du principe de liberté comme étant le fondement de la démocratie. Ce dernier, objet de toutes les manipulations, deviendra, comme le montrera la deuxième partie de cette étude, absent car la réelle démocratie est un despotisme liberticide. Dès lors, il faudra repenser, dans une dernière partie, le statut de la liberté qui va de pair avec les formes liberticides dans la vraie démocratie moderne.

Sans conteste, la liberté constitue un fondement principal de toute démocratie visant l’épanouissement des citoyens et l’éradication de toutes les formes esclavagistes.

Ainsi, si l’étymologie grecque de la démocratie fait du peuple le principal acteur et bénéficiaire de la volonté, c’est parce que toute volonté, individuelle ou collective, résulte d’une action libre et délibérée. L’auteur De La Démocratie en Amérique entame d’ailleurs son étude dans la partie IV du tome II par le principe d’égalité qui donne aux citoyens « le gout de ne suivre, dans leurs actions particulières, que leur volonté » (p.83). Cette volonté n’est autre que l’absence de freins ou de limites pour agir et jouir librement loin de toute autorité. D’où la naissance de la démocratie qui émane des choix conscients des citoyens, notamment dans l’exercice des droits politiques à travers l’élection des décideurs et des représentants. C’est l’unique artifice à même d’établir la liberté de chacun pour l’élaboration d’un projet démocratique saint (p.169).

Etant de ce fait enracinée dans l’esprit démocratique, la liberté devient incontestablement le mot d’ordre et la règle sine qua non : Tocqueville insiste alors sur l’importance accrue des valeurs du l’individualisme et du bien-être dans le contexte démocratique contrairement aux valeurs de la collectivité des sociétés d’antan. A ce propos, « la vie privée est si active dans les temps démocratiques » (p.98) écrit l’essayiste français pour confirmer que le gout de la liberté n’existe dans la démocratie qu’à travers l’affranchissement des individus de tous type de tutelle, l’abolition de tous les privilèges étrangers à l’égalité et liberté naturelles, ce qui impose dès lors l’uniformisation de toutes les lois et normes. Aussi peuvent-ils aller loin dans l’engouement pour des libertés sans limites, jusqu’à honnir le moindre ébranlement qui menacerait leur épanouissement et leur quiétude. Réalité qui fait apparaitre dans l’horizon quelques dangers.

L’individualisme et les valeurs du bien-être reflètent l’apport de la liberté comme fondement de liberté. Mais l’excès de cette liberté est-il voulu pour instaurer la démocratie ou ne serait-il plutôt qu’expédients dignes de l’absolutisme pur et dur ?

En réalité, il n’y pas de démocratie mais une supercherie qui déjoue la vertu de liberté à l’envi des citoyens serviles et hébétés.

En effet, dans le contexte démocratique mitigé que décrit Alexis de Tocqueville, le lecteur assiste plus à l’avortement du projet démocratique, à sa mort (comme un mort-né) à cause des conditions excessivement libertaires mais aussi liberticides. Les citoyens, asservis à des passions vulgaires, ayant des mœurs molles, tombent facilement dans la servitude à des maitres, destin incompatibles avec l’idéal démocratique. Dans ce cadre, une liberté effrénée devient liberticide car « le gout de la tranquillité publique devient alors une passion aveugle et les citoyens sont sujets à s’éprendre d’un amour très désordonné pour l’ordre » (p.115). De cette citation se dégage une réalité atroce liée à l’aveuglement, à l’assujettissement des individus obnubilés par leurs passions. D’ailleurs, qui dit passion dit passivité ! Comment est-il possible d’envisager une vraie démocratie. Et l’auteur français d’apporter le coup d’estoc en niant en bloc aussi bien la liberté que la démocratie lorsqu’il affirme avec désolation qu’il est

« difficile de concevoir comment des hommes qui ont entièrement renoncé à l’habitude de se diriger eux- mêmes pourraient réussir à bien choisir ceux qui doivent les conduire » (p.161).

Il faut donc parler de l’absence de liberté (la liberté étant difficile à avoir dans un régime secrètement liberticide) ou que la liberté illimitée installe plutôt une vraie dictature cachée. De La Démocratie en Amérique serait le traité qui analyse les fonctionnements et astuces pour faire de l’illusion de liberté le fondement d’un véritable despotisme. Le pouvoir érigé, non par la liberté, mais par une liberté limitée et resserrée, (contrairement à ce pense Raymond Aron) laisse planer une autoritaire tutélaire animalisant et dévirilisant par une série de manœuvres et de manipulations comme le suggère le tableau imaginé par Tocqueville au chapitre 6. En gros, il importe de parler, au lieu d’une liberté illimitée qui tuerait la démocratie, d’une servitude cachée qui prépare les citoyens à un despotisme qu’ils nourrissent à leur insu. Par leurs passions vulgaires, les citoyens perdent le cap et se donnent volontairement, aussi justifieront-ils tout abus de liberté. A son tour, le souverain jouira d’une liberté excessive. A l’encontre de Raymond Aron, il est impossible de parler ici d’un quelconque fondement de démocratie, ni de liberté.

Si le despotisme se substitue à l’idéal démocratique où la liberté fait défaut, il convient par conséquent de juguler les élans libertaires pour instaurer un compromis entre liberté et excès de liberté.

Face aux tentations aliénantes de la liberté et aux tournants imprévisibles de la démocratie, une nouvelle lecture des rapports entre citoyens et pouvoir central s’impose dans la vraie démocratie.

Pour certains philosophes et politiciens, la démocratie ne relève point d’un idéal dans la mesure où elle laisse subsister quelques formes éclectiques des autres régimes. Ainsi, une vraie démocratie ne se définit pas uniquement par une liberté, comme le prétend Raymond Aron, mais nécessite des régulations, voire même une limitation de la liberté. Dans l’essai de base pour cette étude, Alexis de Tocqueville démontre que pour lutter contre l’absolutisme doux tirant profit d’une liberté excessive et sans freins aux dépens des sujets, il faut activer une liberté-adverse relevant des sociétés aristocratiques :

« une association politique, industrielle, commerciale…est un citoyen éclairé et puissant qu’on ne saurait plier à volonté ni opprimer dans l’ombre…sauve les libertés communes » (p.171). Il souligne par ces  mots un autre usage de liberté (puissante) contre une liberté souveraine illimitée qui menace tout épanouissement démocratique. En d’autres mots, la démocratie ne s’effectuera qu’en opposant une liberté à une autre pour endiguer tous les débordements possible de part et d’autres. D’où le rôle incontestable de la presse et des forces vives de la société jouissant de la liberté (de penser surtout) contre les abus de liberté de l’Etat.

De plus, il faut redéfinir la démocratie possible à réaliser par un usage équilibré et conscient de la liberté. Ceci débouchera sur un fait accompli indubitable. Dans ce cadre, Tocqueville arrive à révéler, au bout de son œuvre étudiée, que les hommes des sociétés modernes « s’accommodent très aisément de cette espèce de compromis entre le despotisme administratif et la souveraineté du peuple »

(p.157). Une telle situation confortable provient d’une liberté sans freins qui justifie la soumission volontaire à un pouvoir lui aussi excessivement libre. Pour reprendre la citation d’Aron, la démocratie pourrait éclore de ce compromis entre la totale liberté des citoyens, qui sans freins, nourrit la démocratie sans la tuer. En effet, ce régime pensé ainsi épousera le destin humain fait par la Providence « puissant et libre » (p.192) : ni entièrement libre (une liberté limitée), ni entièrement soumis (libre à se donner pourtant). Cette double posture, en dépassant la vision unilatérale de Raymond Aron, n’est-elle admise dans le sens classique de la démocratie qui la libre autorité du peuple sur lui-même ?

Il ressort de cette étude que la démocratie n’est ni l’idéal ni le pire mais le réel régime compatible avec la réalité essentielle à l’homme. Si Raymond Aron associe le fondement et la déroute de la démocratie au principe de la liberté, force est de dire qu’il ne s’agit point de démocratie car les manœuvres politiques inédites dans ce contexte asservissent les citoyens et instaurent une pseudo- démocratie. A l’encontre de cette perspective unilatérale et idéaliste, la réalité de la démocratie invite assurément à réguler les tensions entre des libertés illimitées à la fois des citoyens qui doivent souffrir quelques limites liberticides et l’autorité souveraine qui tolèrera quelques bémols. De cette façon, il est difficile d’assister, endeuillé, à la déroute de la démocratie mais plutôt à sa régénérescence continue en vacillant entre liberté acquise, puis dévoyée, puis limitée. Au lieu de démocratie définitive ou incomplète, ne doit-on pas au contraire parler de feuilleton démocratique ?

PAR HAFID BAGDID

hafidbagdid@hotmail.com.

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