Résumé de texte / TYPE CNC
Consigne : Résumez le texte ci-dessus en 100 mots avec une marge de 10%, soit un intervalle de (90-110 mots).
« S’il n’est pas aveugle comme les chatons ou certains oisillons, le nouveau-né humain présente presque tous les caractères de la prématurité. C’est, de beaucoup, celui dont les talents mettent le plus longtemps à se manifester. De plus, ses connaissances instinctives se limitent à bien peu de choses. Ne sachant presque rien, il trouve encore le moyen d’oublier assez rapidement les réflexes de marche et de nage automatiques qu’il possède au début de son existence. Il devra donc presque tout apprendre ou réapprendre, tant sur le plan moteur que sur le plan culturel. La recherche de comportements moteurs innés, à laquelle se sont livrés les éthologistes (en particulier Eibl-Eibesfeldt qui a observé leur présence chez les enfants nés sourds, muets et aveugles, qui ne peuvent les apprendre) a fourni un certain nombre de résultats intéressants concernant les mimiques faciales et certaines attitudes qui semblent être déterminées génétiquement. Certaines sont d’ailleurs partagées avec les grands singes. Mais, pour le reste, et c’est de beaucoup l’essentiel de ses activités, l’enfant, puis l’adulte, dépendront essentiellement de ce qu’ils apprendront, sous le contrôle, toutefois, de leurs caractéristiques physiologiques et de leurs hormones.
Pourtant, grâce au langage à double articulation des signes et des sens, le moins doué au départ acquiert, dès l’âge de deux ans, des capacités cognitives qui dépassent celles de n’importe quel autre animal adulte.
Chez les animaux qui le pratiquent, l’apprentissage se fait par le jeu et par l’imitation gestuelle des parents. Chez les humains, le langage permet la communication, non seulement de l’expérience passée du sujet, mais encore d’informations transmises par tous ceux qui l’ont précédé. L’absence d’automatisme dans les comportements, jointe à leur non-spécialisation écologique, permet aux humains, à l’intérieur de chaque culture, d’enregistrer et de se transmettre un fond commun formé d’une multitude d’expériences vécues et sélectionnées. Ainsi, sans y avoir été confronté, le petit humain se trouve préparé à une multitude de situations devant lesquelles il fait l’économie de l’apprentissage par essai-erreur, auquel sont contraintes les autres espèces. Il apprend, au cours d’une éducation bien plus longue que celle de la plupart des animaux évolués, à anticiper les événements qu’il doit vivre et à prévoir les conséquences de ses actes.
La caractéristique de l’enfant est donc d’être, au départ, très indéterminée. D’une indétermination, d’ailleurs, qu’il faut bien garder de confondre avec la liberté. Le petit humain, capable de tout potentiellement, ne peut rien tout seul. Il est livré, pieds et poings liés, à la culture que lui inculquent ses éducateurs. Par la pratique quotidienne, ceux-ci lui permettent, peu à peu, de conquérir son autonomie pour la prise d’aliments et les besoins naturels, puis pour ses déplacements et ses communications avec les autres. Très tôt, par un ensemble de mesures le plus souvent très contraignant, il doit apprendre les règles de la politesse et de l’altruisme à l’égard de ses apparentés ou semblables. En même temps, par les chants, les contes, les histoires, les mythes, il est peu à peu conditionné, sinon programmé pour se conduire comme un membre méritant de la société à laquelle il appartient. Dans ce domaine, les traditions orales réputées les plus civilisées ne répugnent pas devant les méthodes du conditionnement opérant : les contes pour les jeunes enfants regorgent d’histoire d’ogres et de loups, de transformations effrayantes et de récompenses sucrées. Elles inculquent aussi, dès le plus jeune âge, et particulièrement aux garçons, un sens aigu de la hiérarchie et de l’unité du groupe, ainsi qu’un goût immodéré pour les justes combats, le mépris de la mort et des blessures infligées aux autres. Le travail est sanctifié, les défauts et crimes sociaux sont vilipendés et bien d’autres notions, variables selon les cultures, sont inculquées par un matraquage idéologique d’une quinzaine années. On parvient ainsi à former un individu, parfois réputé « citoyen libre » de sa nation ou de sa culture, mais qui tend souvent vers ce que on pourrait presque qualifier d’ « automate socio-culturel. » »
André Langaney, La Philosophie… biologique, 1999, Chapitre 5 : Ignorer pour apprendre, Belin, p. 84-86.