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Tocqueville : le despotisme démocratique ou la tyrannie de la majorité !

 Dans quelle mesure le système démocratique nourrit-il un pouvoir hypertrophique ? Tocqueville, à travers son œuvre De la démocratie en Amérique, remet en question la double stratégie politique adoptée par le système démocratique, une stratégie vacillant entre douceur et violence. Ce qui fait de la démocratie une approche redoutable et hypocrite. 

Par Samir Aitohou


Alexis de Tocqueville est l’un des philosophes politiques a avoir pensé mûrement mais surtout avec un esprit critique et subtil la notion de Démocratie . À travers son chef- d’œuvre  » De la démocratie en Amérique », il nous explique comment une Démocratie peut-elle bien virer et chuter brutalement dans un despotisme cruel.
Affirmons le sans ambages, Tocqueville semble ici, dans son œuvre, s’en prendre à un système politique cher aux modernes, en l’occurrence, la Démocratie. En effet, depuis la révolution de 1789, la Démocratie est devenue le régime politique idéal auquel toutes les société dites modernes aspirent. Ainsi, l’ effondrement de l’Ancien régime a été vu et interprété par les révolutionnaires et leurs adeptes, comme étant un premier pas franchi vers cet idéal démocratique. Autrement dit, il s’agit, d’une part, de la fin de l’ère de despotisme et de la tyrannie incarnée par les pouvoirs monarchiques anciens, et de l’autre, le début d’une nouvelle époque, celle des libertés et de l’égalité.Or, cet espoir d’un
 » système providentiel  » représenté par la naissance de la Démocratie, n’est en vérité ,dixit Tocquville, qu’un miroir aux alouettes. Car, s’appuyant sur l’analyse de certaines sociétés modernes où la Démocratie est mise en place, l’auteur de  » La révolution française  » a montré pertinemment comment les Démocraties d’aujourd’hui exercent un certain  » despotisme doux « , pire que celui des régimes monarchiques, et comment les individus s’asservissement eux-mêmes au nom des idéaux démocratiques qu’ils défendent aveuglément.
Cette nouvelle forme de dictature que représente » la Démocratie moderne  » semble ,pour Tocqueville ,beaucoup plus dangereuse et périlleuse que les dictatures anciennes en ce qu’elle donne aux gouvernés l’illusion d’être libres et affranchis, ce qui est n’est pas, malheureusement, le cas. Ce travail tocquevillien inédit de démystification opéré sur la Démocratie, vise à détremper et éclairer l’individu moderne sur ce qu’il croit être pour lui  » un paradis démocratique », mais surtout il le met en garde contre les éventuels dégâts et injustices auxquels pourrait l’amener sa naïveté et son zèle de révolutionnaire frénétique.
À l’entrée de son analyse et de son étude, Tocqueville commence par établir une différence théorique cruciale entre les systèmes politiques classiques dits
 » aristocratiques « , et les systèmes modernes ( européens en particulier ! ) qu’il qualifie de
 » Démocratiques ». Ainsi , « L’ Aristocratie  » passe ,selon Tocqueville, pour être , par définition, un régime politique tyrannique en ce qu’elle se fonde sur le pouvoir d’une minorité voire des meilleurs comme dirait Platon. Quant à la Démocratie , elle est CENSÉE incarner un système idéal en ce qu’elle se repose sur le pouvoir de la majorité, et donc sur la souveraineté du peuple.
Or, une fois établie, cette différence n’est faite, en vérité, que pour montrer son insignifiance et sa fragilité car, Tocqueville nous a bel et bien montré, argument à l’appui, que ces deux systèmes politiques sont au fond interchangeables, et que la seule différence qui les sépare est leur façon d’exercer la tyrannie et le despotisme. L ‘une l’exerce de façon frontale et explicite ( Aristocratie) . L ‘autre le pratique doucement et implicitement ( Démocratie).
À la lumière de tout ce qui vient d’être dit jusque là, posons cette bien question légitime :
– Comment donc une Démocratie ( celle des modernes en l’occurrence !) se dégénère-t-elle en tyrannie ? Et comment rejoint-elle l’Aristocratie dans son exercice de despotisme ?
1- De l’égalitarisme au conformisme :
Dans son entreprise de démystification de la démocratie moderne, Tocqueville commence par s’en prendre à un principe fondateur de celle-ci, à savoir , l’égalité. Si les anciennes régimes aristocratiques admettait, à la suite d’Aristote, les inégalités sociales comme un fait naturel, force est bien de constater que la révolution française les conçoit plutôt comme une invention purement humaine. Autrement dit, comme le dirait les Marxistes d’aujourd’hui, La Nature a créé les hommes égaux et semblables après que leur caprice les pousses à s’asservir les uns et les autres.
La Démocratie se propose donc de permettre à chaque individu de recouvrer sa dignité et sa souveraineté initiale. Or, aux yeux de Tocqueville, cet idéal d’égalité, noble en apparence , s’est vu vite basculé dans une sorte « d’égalitarisme  » où toute équité et méritocratie sont bannies. Tous les individus deviennent donc ,au nom de cet égalité absolue, interchangeables indépendamment de leur capacité et compétences, imprégnés des mêmes idéaux et de mêmes principes… d’où ce conformisme néfaste qui se profile à l’horizon !
2- De l’individualisme à l’égoïsme :
Un deuxième principale qui fonde la démocratie moderne est celui de l’individualisme. Il s’agit d’un concept sociologique et politique qui désigne ce modèle de société où l’identité individuelle prime sur l’identité collective. Autrement dit, Dans nos démocraties modernes, c’est l’individu, pris dans son indépendance et sa liberté, qui constitue le fondement de la cité contrairement aux sociétés aristocratique où le groupe régnait de plus belle. Cependant, on aura pas de mal à constater que cet individualisme moderne ne tarda pas à virer vers un égoïsme cruel. L’intérêt général de Rousseau céda la place à l’intérêt privé. Le chacun-pour -soi a bel e bien fini par détruire toute notion de solidarité et de coopération. Or, rappelons le, c’est l’unité qui procure de la force aux individus et les protège contre les despotes. On sait bien désormais le sort qui attendrait une bête qui sort du troupeau….il en va ainsi d’une société aveuglée par un individualisme outrée.
3- La tyrannie de la majorité :
Ce qui caractérise en politique la Démocratie de l’Aristocratie, c’est que la première est fondée sur la volonté générale dont parle Rousseau. La majorité dispose ainsi du pouvoir et dicte ses lois. Elle réduit la minorité au silence et lui interdit le droit à la parole. La liberté d’expression s’arrête, à cet égard, là où on s’écarte de la ligne du politiquement correcte et de la bien -pensance. Or, la vérité-est -elle toujours du côté de plus grand nombre ? On a bien vu, à plusieurs reprise, l’Histoire donner raison au plus faible au détriment de plus fort !
Où l’on voit que c’est au nom de la démocratie que la majorité tyrannique musle et réduit au néant les minoritaires qui ont sans doute leur parole à dire, leur message à dévoiler ,sans que cette majorité oppressive et répressive se souscrive à ses propos, mais au moins, elle a le devoir de l’écouter , et comme dit Voltaire :
 » Je ne suis pas accord avec toi, mais je me aies le droit de continuer à le dire « 
En arrivant au terme de cette réflexion, on pourrait bien dire que Tocqueville , en dévoilant les dérives des démocraties modernes et leur façon d’exercer le despotisme, nous invite à redéfinir et repenser mûrement certains principes idéaux chers aux modernes , tel, la liberté, l’égalité, individualisme…et nous met surtout en garde contre de nouvelles dictatures émergentes à caractère douces mais surtout démocratiques !

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